Des mots, une histoire #6

Les mots imposés pour ce 55ème Des mots, une histoire d'Olivia sont : cactus – documentaire – blasphème – chérir – pie – pimenter – matin – ressenti – gel – graine – bronchiolite – fromage – sarabande – mordant – gage – épaulette – dérision – givre – précipice – otarie – patinoire – nuit – excédent – frénétique

♪Berlin, du bist so wunderbar Berlin ♪

Amandine marchait vers son arrêt de métro le froid mordant, le gel et le givre et les trottoirs qui se transformaient en patinoire. Il faisait certes -13 degrés mais la température ressentie était de -20, à cause du vent. Chaque bouffée d'air faisaient l'effet d'aiguilles de cactus dans les poumons. Ce n'est pas un temps à sortir un nourrisson, il attraperait la bronchiolite. C'était Berlin, et son climat rude mais elle chérissait cette ville et avait décidé de s'y installer surtout depuis qu'elle avait vu le documentaire sur les nuits de Kreuzberg. C'est dans ce quartier qu'elle avait élu domicile. Dans un appartement assez grand mais qu'il fallait chauffer au poêle, alimenté au charbon ou au bois. Cela pimentait la vie de l'allumer chaque matin et d'en sentir la chaleur poussiéreuse. Dans le quartier, les petits magasins turcs et autres restos bons marchés que l'on appelle ici affectueusement et avec un brin de dérision "Imbissbude". Dans le Görlitzerpark, en été, on croisait bien souvent une sarabande de gens aux styles les plus hétéroclites, des hippies, des femmes aux robes à épaulettes, comme dans les années 80, un blasphème à Paris où seules 3 couleurs sont autorisées dans la tenue sous peine d'être regardée de haut en bas d'un air dédaigneux. C'est justement aussi cette liberté qui lui plaisait et l'excédent de mauvais goût dans la tenue de certains passants la lui rappelait sans cesse. Berlin aux multiples visages: le zoo énorme; les gens au bord du précipice financier, le luxe de la Kudamm, les touristes, les artistes fous fous fous. Une ville qui porte en elle les traces d'une histoire mouvementée. Ces stigmates, comme un souffle à chaque coin de rue, confèrent à Berlin son atmosphère si particulière. Amandine trouvait cette énergie frénétique, ce bouillonnement jouissifs. Voilà Schlesisches Tor, rénovée depuis peu de temps, il avait de la gueule maintenant cet arrêt. Il fallait descendre à Siemensdamm et il y en avait pour environ 40 minutes avec un changement. Cela laisse le temps de lire, casser une graine, le plus souvent, un sandwich au fromage. Ce matin là, une dame d'un certain âge vint lui parler. Elle était vêtue d'un jogging rose bonbon et avait une mèche de cheveux bleue "hey haste dat jesehen, dat sach' ik dir, ja... dat lass'ik mir jaaar nich jefallen" (et tu as vu, ça, moi je te le dit, je vais pas me laisser faire), typique la "Berliner Schnauze" la grande gueule à la berlinoise se dit Amandine. Et la nana en jogging de déverser son monologue insatiable, elle racontait des histoires complètement décousue d'argent, de tueur à gage, d'otarie, de cirque... Amandine se demandait si son incompréhention étaient due à un manque de connaissance de langue allemande ou à l'incohérence des propos de la femme au jogging. "ahhh dat is meene Haltestelle, ik muss ja aussteigen!!" dit-elle arrivée à Kleistpark, elle était arrivée à destination. Ouf se dit Amandine... Je vais pouvoir finir de lire mon article tranquillement, maintenant, sans être embêtée par une femme bavarde comme une pie. Mais elle n'arrivait pas à se concentrer. A sa droite des touristes espagnols discutaient le chemin à prendre pour aller au chateau de Charlottenburg, à gauche, un gars plutôt mignon écoutait de la musique... Elle aimait de temps en temps regarder les passagers et imaginer l'histoire de leur vie. La plupart n'avaient pas l'air heureux. Quels soucis pouvaient-ils bien les habiter se demandait-elle souvent. Peut-être leur soucis était causés par les payes misérables qu'on reçoit ici à Berlin, surtout à l'est. Parce qu'il y a encore une différence de tarif salarial entre l'"est" et l'"ouest"... Perdue dans ses pensés, Amandine regardait machinalement par la fenêtre et quoi? Rathausspandau!!! Miiiince mon arrêt! Elle descendit à la hâte et attendit le métro qui l'amènerait à son arrêt...